2004 (4e trimestre)

*Mouvement des idées*
Note n°87 (7/10/04)

1)Incrédulité sociale et crise des syndicats

Sondage CSA/CGT dont parle La Tribune qui montre que 54% des salariés
font confiance aux syndicats contre 49% en 2003, une confiance plus
forte dans le public (59) que le privé (52), plus forte chez les cadres
(61) que chez les ouvriers (52) !
Dans le même temps l’idée de voir se concrétiser des avancées sociales
recule. 60% croient à des avancées en termes de droits, de parité, de
création d’emploi mais seuls 54% pensent possible de faire reculer la
précarité contre 61% en 2003.
Sur l’application des 35h, recul de l’idée d’application positive : 58%
en 2001 ; 48% en 2003 ; 42 à présent.
89% prêts à signer une pétition, 67 à manifester, 58 à faire grève, 46 à
se syndiquer.
La CGT apparaît combattive, disponible, respectueuse pour 70% mais
efficace et réaliste pour 40%. A la question : comment la CGT peut
grimper, la première réponse (48%) : « être plus réaliste ».

De nombreux papiers sur la crise des syndicats français. Déjà cet été
toute une série d’articles sur le sujet dans Le Figaro.
Papier dur du Monde, « L’aphonie du syndicalisme », Michel Noblecourt,
5/10, sur la faiblesse syndicale et l’effacement de la notion de « 
rentrée sociale ».
On liera cette question à un autre thème, développé par Isabelle Sommier
de « Sciences Humaines » du 1/9, celui d’une « France protestataire »,
où la crise du militantisme traditionnel est plus forte qu’ailleurs mais
aussi où « la recomposition de l’engagement » met ce pays à l’avant
garde, notamment sur la mondialisation ; les organisations françaises ont
une place importante dans « un mouvement social international ».

2)Réforme de gauche

Vers la relance du débat sur la gauche et la réforme « à la faveur du
débat houleux sur l’Europe » ? Un papier intéressant, mais très limité,
de Laïdi Zaki dans Libération du 1 octobre sur « le lien entre réforme
et transformation sociale ». Un terme récupéré par la droite ; sur la
manière dont le nouveau rapport de force entre capital et travail a
discrédité le réformisme ; sur la réflexion à l’œuvre dans la social
démocratie pour réimposer la réforme ; sur les vertus et les limites du
blairisme.
Sur la manipulation sémantique qui veut que la réforme est à droite et
la conservation à gauche, voir le papier des Pinçon sur l’ISF dans
L’Humanité du 4/10.

3) Idées : la droite occupe le terrain

Campagne persistante pour le retour aux méthodes autoritaires à l’école ;
le sujet fait la « Une » et un volumineux dossier du Point cette
semaine ; le moindre incident dans la plus petite école est monté en
épingle aux JT, histoire de dénoncer le « laxisme » ambiant ; des
chiffres alarmistes sont diffusés ; et toujours cette télé-réalité sur un
collège d’autrefois…
Toute une campagne d’accompagnement, semble-t-il, de l’initiative
Fillon-Villepin d’associer un flic à chaque école.
Sur autorité, autoritarisme et efficacité à l’école, voir le dossier des
« Cahiers pédagogiques » de septembre/octobre 2004.
Lié au thème précédent de l’ordre, de la discipline, on notera combien
la droite martèle ses idées sur quelques sujets, pour elle fondamentaux.
Par exemple la Turquie. Une place incroyable accordée à ce sujet dans sa
presse. Certes il s’agit aussi de « dégager » son référendum
constitutionnel de cet enjeu ; mais les termes du débat vont bien au delà
(Europe blanche, chrétienne…).
De la même manière, beaucoup de papiers sur la famille traditionnelle et
menacée. De très nombreux commentaires, affolés, sur ce jugement
accordant des droits parentaux à un couple d’homosexuelles. On sent ici
une droite agressive et partagée car aussi tentée par un libéralisme des
mœurs à la Madelin.

4)Délocalisations

Alors que le débat prend de l’ampleur, une véritable contre-campagne est
lancée sur le thème : on exagère l’importance de ce phénomène qui de
toutes façons est un progrès des échanges (et du tiers monde) ; s’y
opposer relève de l’autarcie et …aggrave la question de l’immigration.
C’est la trame de « Vive les délocalisations », chronique du Monde du 3/10.
Plusieurs autres papiers dans le même sens.
Curieusement (?), cette « contre-offensive » a été en partie lancée par
Hollande lors des journées parlementaires du PS, trouvant que sa
minorité (et Fabius) en font trop sur la question.

5) Défiance généralisée

Stéphane Fouks revient dans Le Figaro du 5/10 sur l’enquête d’EuroRSCG
que la droite a déjà largement exploitée ( voir l’avant dernière note).
Il s’agit en fait d’une enquête auprès d’une centaine de « décideurs »
qui dressent « le portrait d’une société fragmentée, d’un collectif en
crise, d’une nation dominée par le doute, la peur, la violence, le
ressentiment et la victimisation ».
Doute sur l’élite. Et « crainte du peuple et de ses réactions ». Peur de
la société. Absence de communication. Structuration verticale.
Appauvrissement du débat public. Notamment à la télé . Repliement du
moindre pouvoir sur lui même. Seuls lieux de consensus : l’entreprise,
la mairie, l’association.
Pour une « éthique relationnelle » fondée sur cinq idées : la cohérence ;
la vérité ; l’équilibre ; l’incarnation ; la responsabilité.
Pour le partage , le vivre ensemble, l’échange.

6) Consommateurs : le syndrome Logan

A propos du salon de l’Automobile et du succès d’estime de la Logan,
voir l’excellent entretien dans Le Monde du 24/9 avec le sociologue Paul
Yonnet sur l’évolution du consommateur, qui désormais « refuse le luxe
ostentatoire » ; il y a « rupture avec une demande fantasmatique » où
l’on achète plus l’image que l’objet ; discrédit des 4x4, recul (?) du
paraître ; « les gens commencent à comprendre qu’on tente de leur faire
acheter des choses dont ils n’ont pas fondamentalement besoin ».

7)Télé à deux vitesses, télé vilipendée

Ce même rapport pointe, au plan de la communication politique, une
installation d’une télé à deux vitesses : « aux chaînes cablées les
débats de fond, aux chaînes généralistes la communication sur l’image ».
A lier au sondage Télérama du 25/9 : 1 Français sur 2 mécontent de la télé.

8) L’atlantisme sarkozyste

Déjà plusieurs fois signalé ces derniers mois, le penchant atlantiste de
Sarkozy s’est manifesté avec éclat lors du dernier séjour du ministre à
New York. La presse a fait état de ses rencontres avec les étudiants,
les hommes d’affaire, de sa surenchère libérale.
« La France n’est plus un pays socialiste » dit il aux banquiers. « Le
grand débat en France porte sur la récompense du risque ». Preuve de ce
changement français : les retraites, France Télécom, Edf.
On notera aussi la manière très « américaine » dont Sarkozy fait de la
politique, le sens des médias, le goût des shows pour présenter le
budget, la manière aussi d’utiliser sans vergogne sa vie privée, sa
femme Cécilia dans son plan de carrière.

9) L’amour, la critique sociale et le capitalisme

Critique inattendue du capitalisme par une sociologue américaine des
médias, L. Kipnis, auteur de « Contre l’amour » (La table ronde), un
pamphlet qui marche fort aux Etats Unis. Partant de la réalité
américaine, elle montre comment, déçus par « un travail de plus en plus
aliénant », privés de « critique sociale et de mouvements sociaux », les
Américains tendent à investir dans la recherche du bonheur privé, le
mariage, l’amour, la famille. « Se demander pourquoi les gens croient
encore au mariage revient à s’interroger sur la façon dont les citoyens
se soumettent également à un système politique inégalitaire qui creuse
le fossé entre riches et pauvres » ; ou « « La société produit toujours
les caractères dont elle a besoin pour se perpétuer. Le capitalisme
n’échappe pas à la règle.(…) Il a besoin de personnalités faibles car ce
ne sont pas des personnalités centrées sur elles mêmes qui vont conduire
des mouvements sociaux » ( in Figaro, 4/10).

10)Partis

UMP : Le « parti » libéral montre ses forces ; a réuni un millier de ses
cadres et fait siffler le nom de Chirac. Ce courant se sent le vent en
poupe et entend négocier son ralliement à Sarkozy.

Fondation UMP : Etude de Mouvements du 23/9 ; plusieurs papiers où l’on
évoque les rapports Sarkozy/ Monod, l’actuel président.

LO : envisagerait de voter NON au référendum sur la Constitution/ /

*Mouvement des idées*
Note n°88 (14/10/04)

1) Economie : ça bouge (un peu) à gauche

« Voilà un livre attendu par toute la gauche » note le chroniqueur du
Monde, à propos de « Dérives du capitalisme financier » de Michel
Aglietta et Antoine Rebérioux ( Albin Michel). Une telle promotion met
en appétit. En fait, ce livre montre assez bien l’état du débat
économique à gauche aujourd’hui, avec ses limites. L’ouvrage critique
assez sèchement « la valeur boursière devenue l’alpha et l’oméga de
l’activité économique », rappelle que « les salariés sont devenus les
variables d’ajustement des entreprises » quand les actionnaires sont
intouchables ; il estime que « les crises du genre Enron ne sont pas des
exceptions mais la règle » et s’alarme : « les désordres financiers vont
continuer, les malversations prospérer, les inégalités enfler et la
démocratie dépérir ».
En guise de remède, les auteurs proposent de « subordonner la logique du
marché au contrôle de la démocratie ». Cela suppose de considérer
l’entreprise comme un « intérêt collectif » qui mettrait à distance
l’actionnaire ; ou encore de mettre sur pied une sorte de super fonds de
pension contrôlé par l’Etat, qui permettrait d’aller vers une « 
socialisation du capital ».
Les auteurs restent dans le strict cadre de la propriété capitaliste où
seul l’argent légitime le pouvoir ; ils semblent faire assez peu de cas
des salariés et de nécessaires droits nouveaux d’intervention dans la
gestion de l’entreprise. Mais on admettra que le ton du livre change un
peu du discours dominant à gauche, ces dernières décennies, très tenté
par le modèle américain et la gestion boursière.

2) Entre attentisme et durcissement social

Publication le 6/10 de la note annuelle de l’association Entreprise et
Personnel, où collaborent les DRH de 160 grandes entreprises. On y parle
« d’étrange climat politique, économique et social », d’attentisme mais
aussi de risque de durcissement social ; de rentrée sociale atone après
des conflits décalés (foulard, intermittents, recalculés, chercheurs,
chirurgiens) ; que le dialogue social est au point mort ; que les
syndicats sont absorbés par leur problèmes internes ; que le gouvernement
fait effort pour déminer les problèmes ; mais que de fortes tensions
sociales sont attendues en cas d’aggravation sur les fronts : emploi,
protection sociale, délocalisations. Le Monde, 8/10)
Autre étude intéressante publiée dans Les Echos du 12/10 sur le « 
désengagement » des salariés – en fait il s’agit surtout ici des cadres,
des jeunes cadres- dans leur travail à l’entreprise. Ils ne sont pas
disposés à se « défoncer » pour leur promotion avec la perspective de
gains limités.

3) Surenchère interne du Medef

Plusieurs papiers ont fait état du rassemblement lyonnais du MEDEF en
présence de Seillière ; il y a tenu des propos très vifs contre le
gouvernement, dans la tonalité de l’Université d’été ; même tonalité
critique lors du rassemblement MEDEF Ile de France avec Sarkozy.
Plusieurs papiers (Les Echos, 7/10) montrent combien , au sein du MEDEF,
la grogne est forte, émanant de la base, des PME notamment, grogne aussi
contre les instances dirigeantes de cette structure, censée mal les
représenter( de l’ordre de 80% d’opposition interne).
On peut peut-être lier cette fronde à ce débat interne qui traverse la
droite où le « parti libéral » chauffe ses troupes contre Chirac en
faveur d’une accélération de « réformes » ultra-libérales.
Sarkozy surfe sur ce courant.

4) Surenchère à droite

Un vrai débat traverse la droite. Sur le rythme d’application des « 
réformes » (35h) ; sur la Turquie ( avec un MEDEF, en l’occurrence,
plutôt pour) ; sur l’atlantisme.
On retrouve tous les ténors libéraux dans l’orchestration ultra (et
anti-chiraquienne) sur la Turquie.
Grincements de dents autour des déclarations de Chirac au Vietnam sur la
« sous-culture » diffusée par l’Amérique. « Lamentable » titre l’édito
du JDD, reprenant une formule de l’ambassade américaine et visant
Chirac ; nouvelle surenchère de Sarkozy devant les patrons d’Ile de
France : « il affiche ostensiblement son admiration pour l’Amérique »
(Libération, 11/10)…Il se dit « étranger dans son propre pays » (Le
Monde, 6/10)
A lier aussi avec la mise à l’écart du gourou de la Chiraquie, Jérôme
Monod ; de nombreux portraits de cet homme. In Le figaro du 14/10/04 ou
Les Echos du 8/9.

5)Rapports d’experts et propagande libérale

Utilisation à répétition de rapports officiels ou d’officines, plus ou
moins expertes, pour marteler l’idée d’un retard français en matière de
compétitivité, de marché du travail, de code du travail.
Chaque semaine un vrai pilonnage de tels documents.
Ces jours-ci par exemple, le rapport Camdessus ; le rapport de la World
Economic du Forum de Davos ; le rapport de l’Institut Rexecode. Donnant
lieu chaque fois à des commentaires repris et multipliés à n’en plus finir.
Campagne de nature idéologique évidente ; et menée avecdes méthodes
scabreuses. Par exemple, l’Institut Rexecode est lié au MEDEF ; ou
l’enquête de Davos, faisant passer la France du 26^e au 27^e rang (?) de
la compétitivité mondiale est basée sur des entretiens auprès des
milieux d’affaire…

6)Médias

Débat très timide sur « la réforme du JT » avec dossier dans Le Monde
Télévision du 10/10. Mais pour l’heure, l’alternative semble porter sur
 : présence d’un homme – ou femme- tronc ou debout et sans cravate, genre
Hondelatte…
Dominique Wolton, théoricien de la com’ et directeur de recherche au
CNRS, sort un nouveau livre, La Télévision au pouvoir, éditions
Universalis. Un grand admirateur (critique) de la télé : »Elle est
indissociable de la démocratie, elle crée du lien social ».
A lire aussi l’interview du sociologue des médias JM Charon in l’Huma
Hebdo du 9/10 soulignant que « les politiques ont totalement désinvesti
les questions qui relèvent des médias ».


7) Retraites et capitalisation : l’échec universel

Excellente page du Figaro Economie du 12/10 montrant que les pays sud
américains, laboratoire du libéralisme depuis une décennie, voient
s’effondrer le mode de retraite par capitalisation. Titre : »Le dogme
néolibéral a du plomb dans l’aile ».
Long papier aussi sur la crise de la capitalisation en Grande Bretagne
in Le Monde, 14/10.

8) Rebelles

Sortie médiatisée de « Spartakus, le gladiateur » de Chouraqui et Le
Forestier alors que sortent aux éditions Félin « Spartakus. Le
gladiateur et la liberté » de G. Pacaud. Tout un argumentaire
d’accompagnement sur la révolte, la liberté, les droits de l’homme.
Sur un thème proche, de très nombreuses critiques (positives) du film
sur la jeunesse du Che et sa traversée, à 24 ans, de l’Amérique Latine.
D’où aussi, en réaction, un article féroce d’un certain P.A Paranagua, « 
Le guévarisme n’est pas un humanisme » dans Le Monde où le guevarisme
est assimilé à « une machine à tuer ».

9) Doctrine blairiste, suite

Tony Blair a présenté devant l’Institute of Public Policy Research de
Londres la doctrine qui accompagnerait son troisième mandat. L’idée en
fait est toujours la même : sus à l’assistance et à l’Etat providence !
Vive l’« opportunity society », une société où chacun aurait sa chance ;
il faut renouer avec « la mobilité sociale qui a prévalu durant des
décennies après la guerre », bref hâter « l’extinction du système de
classes ».
Il faut « modifier le contrat entre le citoyen et l’Etat », passer de « 
l’allègement de la pauvreté et de la mise à disposition de services de
base à un système offrant des services de haute qualité et l’occasion
pour chacun d’accomplir son potentiel ».

10) Partis

Gouvernement : cote plombée selon AOL/ Libération ; même les
sympathisants UMP ne croient plus à sa stratégie anti-chômage ; doute
majoritaire sur le plan Borloo (57%) ; la réforme Perben acceptée par UMP
et PS mais rejetée par « l’extrême gauche (LO/LCR) et les sympathisants
communistes ».

« UMP : Mer devrait présider la fondation de l’UMP.

NPNS : long article sur la crise que traverse le mouvement « Ni putes si
soumises » dont l’université d’automne s’est tenue en présence du
ministre de l’Intérieur… in Figaro du 9/9

Verts : à noter le rapport très monétaristo-libéral signé par Lipietz au
Parlement Européen.

*Mouvement des idées*
Note n°89 (21/10/04)

1)Rapports, bataille d’idées et modèle français

Sarkozy expliquait récemment qu’avant de lancer les « réformes », il
fallait d’abord gagner la bataille de la communication, qu’il comparait
au rôle de l’aviation dans une guerre. La multiplication des rapports
ces semaines ci participent de ce pilonnage idéologique.
Cette offensive libérale contre le modèle français ou le modèle de 1945
n’est pas nouveau. On a connu le comité Rueff-Armand en 1960, le « Mal
Français » d’Alain Peyrefitte en 1976 ; on peut y mettre l’épisode de « 
Vive la crise » des années 83 ou 84.
Ce qui est nouveau, ici, c’est l’ampleur et la répétition de ces
rapports d’ »experts ».
A lire le Que sais-je ? « Le Modèle français depuis 1945 » de Pascal Gauchon.

2)Communication politique. Aux USA et en Europe

Intéressant papier de Rosanvallon dans Le Monde du 14/10 sur une
certaine repolitisation à l’américaine, un retour sur la scène publique
d’associations proprement politiques alors que ces dernières années on
assistait à un déclin du rôle des partis et syndicats et à « une
descente vers la société civile de l’énergie militante ».
Les trois caractéristiques de ces nouvelles associations politiques ?
Moins d’organisation, plus de « réseau » ; un éclatement de l’espace
public mais in fine deux formes dominantes : le porte-à-porte et les
grands médias ; un gestion de ces associations comme une entreprise de
communication politique : professionnalisation mais aussi
commercialisation et rôle majeur de l’argent.
Entre renouveau militant et démocratie de marché.
On consultera aussi, sur Canal-Ipsos du 14 octobre, un important dossier
sur la communication politique aux Usa, en Italie et en France (Giacometti).

3)L’opinion et la faim dans le monde

Sondage BVA/ CCFD/ La Croix/ France Info montre un recul de la
sensibilité populaire sur la question de la faim dans le monde et le
développement des pays pauvres.
La question de la faim passe au cinquième rang des priorités après la
lutte contre l’exclusion en France, les droits de l’enfant, les droits
de l’homme et la protection de l’environnement.
Quatre Français sur cinq pour une taxe mondiale pour lutter contre la
pauvreté, prélevée sur le capital.
Majoritairement pour un développement agricole « protégé » dans le Sud ;
pour un rôle de l’Etat.
Seraient moins généreux dans leur don.
Le sondage confirme une extrême méfiance à l’égard des institutions dans
cette lutte contre la faim ; plutôt favorable aux ONG.

4)Politique et zones périurbaines

Christophe Noyé, géographe, revient dans « Atlas des nouvelles fractures
sociales en France » (Autrement) sur la phénomène périurbain, cette
seconde couronne de banlieues dont le vote ( FN et PC) avait suscité
beaucoup de commentaire lors des dernières régionales.
Il revient sur la motivation des résidents de cette région
pavillonnaire, leur désillusion, le sous-équipement de cet espace, le
déclassement social, « la précarisation qui touche toutes les couches
populaires dans leur ensemble », etc…

5) L’état du marxisme

Différents diagnostics sur le marxisme ces dernières semaines.
L’historien socialiste Lindenberg dans « Histoire des gauches » parle de
« déclin irrémédiable d’une théorie atteinte à mort par les révoltes
ouvrières (Pologne, Hongrie) ».
Le Monde rend compte du 4è congrès Marx International sous le titre »
Marx entre survivance et promesse » (9/10).
Un papier intéressant de Ben Saïd dans Politis du 14/10 sur « Derrida et
le marxisme ».
Enfin, à retenir l’extrait (revue de presse hebdo, 14/10) de l’ouvrage
de Michel Verret, « Violences impériales et lutte de classes » (PUF).

6)Mémoire et forteresse ouvrière

Colloque organisé par la BDIC (Bibliothèque de documentation
internationale contemporaine) et EHESS (Ecole Hautes etudes sciences
sociales) sur la préservation de la mémoire Renault à Boulogne-Billancourt.
A noter l’ouvrage de J. Coasta-Lascaux et E. Termine, « Les Hommes de
Renault-Billancourt : mémoire ouvrière de l’île Seguin, 1930-1992 »
(éditions Autrement).

7)L’aggiornamento socialiste

Relance du débat sur l’aggiornamento sans cesse repoussé du PS.
Notamment avec deux articles dans la revue « Le Débat » de septembre,
l’un de Marcel Gauchet, l’autre de JP Le Goff, qui rebondissent, l’un et
l’autre, sur les ouvrages de la philosophe Monique Canto-Sperber,
laquelle milite pour un alliage socialisme et libéralisme. Elle
fréquente volontiers les cercles de D. Stauss-Kahn.
Dans le même ordre d’idées, on notera l’appel à l’aide systématique, à
présent, de la direction du PS aux partis socialistes européens, dans sa
campagne pour la Constitution européenne. Un avant-goût d’un alignement
doctrinal sans cesse différé ?

8) Les musulmans et la gauche

Etude La Croix/Ifop (15/10) qui montre un glissement à gauche ces
derniers mois. En un an, la droite passerait de 19% à 8% dans
l’électorat musulman, la gauche de 49 à 66%. (L’extrême droite 6%).
En même temps un soutien résolu à Chirac, qui ne profite nullement à son
camp.

9)1968 version britannique

Depuis cet été, un débat traverse la société britannique sur la nocivité
des années 60, les « swinging sixties », responsables de la
permissivité, de l’interdiction d’interdire, de l’abolition des
sanctions, de l’iconoclastie, , de la fin des tabous, etc… Une polémique
qui reprend les mêmes termes que le débat français sur 1968. La
singularité de ce débat d’anglais, c’est qu’il se mène à fronts
renversés : c’est Tony Blair qui a lancé l’attaque contre 1968, le
manque de discipline, de modèle ; c’est du côté conservateur qu’on entend
des plaidoyers pour ces années là ( Le Figaro, 21/10).

10) Partis

Bipolarité : on remarque dans les médias ces dernières semaines un
retour en force à un traitement bipolaire de l’actualité, privilégiant
systématiquement PS et UMP au détriment des autres courants.

UMP : plusieurs papiers rappellent que Sarkozy a instrumentalisé la
question turque pour plomber Chirac.

FN : l’appareil de direction solidaire de Gollnisch contre la fille Le Pen.

*Mouvement des idées*
Note n°90 (28/10/04)

1)L’aggiornamento socialiste

L’ouvrage de JJ Becker sur l’histoire de la gauche, chroniqué ici,
montrait bien que Mitterrand s’était toujours refusé à l’aggiornamento
doctrinaire du PS, préférant jouer de l’ambivalence doctrine/pratique
plutôt que d’assurer un alignement de ce parti sur sa famille
sociale-démocrate européenne.
Cet envie d’aggiornamento est cependant manifeste depuis le congrès de
Dijon. Dans une certaine mesure, il épouse l’argumentation des partisans
du « oui » au référendum européen ; D. Strauss-Khan pousse en ce sens ; on
retrouve sa patte dans les premiers textes de la commission du projet,
notamment celui de Laurent Baumel et sa sortie sur 1968 : « Sans être un
réactionnaire patenté, on peut sans grand danger émettre l’hypothèse que
les nouvelles libertés personnelles dont ont bénéficié les hommes et les
femmes de la génération 68 n’ont pas eu que des effets positifs ».
Larges commentaires dans Le Monde, Le Figaro, Les Echos.
Hollande a tenté d’atténuer cette tonalité anti-68 mais le message est
passé.
Sur l’orientation du travail du PS, voir le papier des Echos du 25 :
partant de l’idée que les Français ont besoin d’être rassurés, le Ps
mettrait le cap sur « les valeurs traditionnelles » : la patrie, la
famille, la sécurité, le travail ! Texto. Suffit d’inverser l’ordre et on
retrouve d’étranges souvenirs.

2)La politique sociale de la droite condamnée

A propos de message, on retiendra les commentaires de JL Parodi dans le
JDD sur la chute de popularité des deux têtes de l’exécutif. Plus
mauvais score de Chirac depuis sept ans. Parodi montre que ce qui passe
dans l’opinion, en fait de messages de la droite, c’est plus de
licenciements, plus de faveurs aux fortunés, plus de vie chère. Toutes
les arguties utilisées par le pouvoir pour contenir ou nuancer les
manœuvres de sa frange libérale et du Medef, toutes les polémiques
internes à la droite ne sont pas vraiment perçues par l’opinion, qui ne
veut retenir que l’injustice des mesures annoncées ( JDD, 24/10, p 4)

3)Modèle « danois »

Editorial du JDD, longs articles dans Le Figaro Economie, confidences
des ministres Larcher et Borloo : le modèle « danois » est soudainement
salué sur tous les tons depuis quelques jours. Un extrait de l’article
du Figaro : « Là-bas, pas de salaire minimum ni de durée légale du
travail, pas davantage de réglementation du licenciement et de
l’embauche : tout est régi par les conventions collectives
patronat/Syndicat. Un modèle à faire rêver un patron français ! »(Figaro,
25/10).
(Entre la Norvège et les Pays Bas, secoués par des mouvements
revendicatifs, le Danemark semble un havre de cohésion sociale.)

4)Classes sociales et territoires

L’économiste-statisticien Eric Maupin propose un livre terrible sur la
séparation du territoire français entre classes : « Le ghetto français
 », Seuil. Le phénomène des cités n’en est qu’un aspect : ce sont d’abord
les riches qui créent leur ghetto doré, les classes moyennes s’enferment
sur le leur ; on vit « entre soi » ; chacun a peur du déclassement
Il écrit : »La dramaturgie française de la ségrégation urbaine n’est pas
celle d’un incendie soudain et local mais celle d’un verrouillage
général, durable et silencieux des espaces et des destins sociaux ».
Selon le critique du Monde, « on construit une société de castes où le
vrai communautarisme est social ».
Sur le même sujet, voir le nouveau livre des Pinçon-Charlot, « 
Sociologie de Paris » aux éditions La Découverte, qui milite pour la
mixité sociale dans la capitale.

5)Sarkozy relance le débat sur la laïcité

Lancement choc du prochain livre de Sarkozy « La République, les
religions, l’espérance » aux éditions (de l’Eglise) Le Cerf. Le ministre
débat avec un dominicain. Dossier du Fig Mag, plusieurs dossiers de
presse en vue, une télévision avec Drucker, en décembre, etc…
Plusieurs objectifs : réaffirmation des liens entre la droite et le fait
religieux (« Je suis catholique » martèle Sarkozy) ; réaffirmation des « 
racines chrétiennes « de l’Europe ; clin d’œil à la communauté musulmane
( laquelle boude la droite, selon un sondage récent) ; et tentative de
remettre en cause l’an prochain, pour le centenaire, la « loi de 1905 :
« Doit-on considérer ce qui a été rédigé il y a un siècle comme coulé
dans le marbre et ne devant jamais être changé ? ». Vers un statut plus
favorable à l’institution religieuse ? Vers un financement des cultes ?
Vers une prise en charge de la formation des prêtres-imams and co ?
Comme si Sarkozy, très ouvertement philo-américain ces derniers mois,
rêvait d’une adaptation du contrat entre la vie publique et le fait
religieux « à l’américaine » ?
Le Figaro du 29/10 récapitule les faits religieux devenus enjeux de
polémique et parle de « réveil des catholiques ».

6)Nouvelle contestation

Plusieurs dossiers sur les nouvelles formes de contestation. Le dossier
Octobre, n°34, de « Monde/Initiatives » sur les anti-pub, écorésistants,
hacktivistes, non-violents, précaires, intermittents ; leurs objectifs,
leurs moyens. Idée : « Changer leur monde….devant leur porte ».
Thème analogue dans Libération du 22/10 : « Petit bréviaire du
désobéisseur ». Autour du mouvement altermondialiste et des nouvelles
formes d’action, « drôles, efficaces ou poétiques ». Contre la
consommation, pour les précaires ; envie de ridiculiser les autorités.

7)France/Etats-Unis : on n’a pas les mêmes valeurs…

Sondage Figaro sur le vote des Français (28/10) : Kerry plébiscité.
N’empêche : une étude de RSCG Worlwide sur la perception des valeurs,
notamment économiques, montrent le fossé existant entre les opinions
publiques.
Sujets de société : 84% de français pour l’avortement, 54% d’américains.
59% de Français contre la peine de mort, 64% d’américains pour !
Mais aussi des différences nettes sur des notions comme concurrence,
privatisations, stock-options, capitalisme, profit, Etat…
Certes des nuances existent dans chaque pays entre droite et gauche,
Républicains et démocrates ; mais globalement, l’américain est nettement
plus « libéral ».
Le commentaire (La Tribune, 22/10) estime qu’il ne faut pas s’attendre à
une amélioration des relations entre les deux pays.

8)Réalité syndicale

Une campagne récurrente vise à contester la légitimité des syndicats en
raison de la faiblesse du nombre d’adhérents. C’est oublier d’autres
signes de représentativité comme la participation aux élections
professionnelles. De ce point de vue les dernières élections à la Poste
– qui expriment une radicalisation du paysage- confirment l’intérêt des
salariés pour leurs délégués syndicaux : 80,5% de votants.
Deux rapports récents de la DARES (Direction animation recherche études
et statistiques) sur la réalité syndicale. Le premier, pour le ministère
de l’emploi (Les Echos, 27/10) indique que « la baisse du taux de
syndicalisation semble bel et bien endiguée depuis le début des années
1990 ». Il détaille le phénomène selon les catégories
public/privé/précaire/CDI/PME/grosses entreprises… Il observe aussi que
« la proportion de salariés au contact avec des syndicats sur leur lieu
de travail a progressé ».
Une autre étude de la Dares sur la parité hommes/femmes chez les élus du
personnel ; elle est loin d’être réalisée : avec la CGC (20%), la CGT est
en queue (25%) ; FO à 29%, CFDT à 34%, autonomes 35, CFTC 38.
Sur la CFDT, voir le dossier Le Monde/Economie du 26/10 et surtout
l’interview du politologue Guy Groux qui insiste sur la fragilité des
adhérents CFDT, leur côté zappeur, « les distances prises avec
l’idéologie et la politique », autre manière peut-être de souligner un
glissement à droite.

9)La jeunesse du communisme

Livre de Romain Ducoulombier, « Le premier communisme français
(1917/1925) » aux éditions « Notes de la Fondation Jean Jaurès », n°42,
216P. Sur les premières années du communisme à la française : besoin
d’une rupture radicale aavec le monde qui sombra dans la guerre et rêve
de l’homme nouveau.

10)Partis

UMP : Le Figaro du 28 détaille la manière dont Sarkozy veut marquer son
arrivée à la tête de l’UMP ; consulte les médias ; envisage « un show à
l’américaine.

PS : calendrier revu et corrigé de l’élaboration de son projet ( presse
du 25/10).

LCR : son hebdomadaire est dans le rouge ; tirage 6000, vente 4000 dont
40% d’abonnement ; besoin de trouver 1000 nouveaux clients. Risque de
passer à une autre périodicité. (On retiendra que LO, elle, vit depuis
des années sur le pactole des présidentielles).

Mouvement des idées
Note n°91 (4/11/04)

1)Délocalisations : graves mais pas fatales

Très nombreux papiers sur les délocalisations, souvent dans la presse
de droite (ou économique) visant à dédramatiser l’affaire, relativiser…
Sondage CSA/ L’expansion sur le sujet. Pour 88% des sondés, c’est un
phénomène grave ; 35% se sentent concernés ; et surtout 74% considèrent
qu’on « peut faire quelque chose » contre ce phénomène.


2)USA : radicalisation et politisation

A signaler, dans toute la prose autour des élections américaines, des
papiers montrant la radicalisation politique d’une certaine gauche et le
ré-engagement des intellectuels d’une telle ampleur qu’il faut remonter
aux années soixante pour trouver des précédents. Lire notamment le
remarquable « Etats Unis : les habits neufs de la contestation » in la
revue Lire d’octobre.

3)Elections et militantisme

L’élection américaine a été une affaire de gros sous ; on observe aussi
qu’elle a été une question de militantisme. Les républicains ont utilisé
leur base religieuse, très proche et très militante. On dit aussi que
les deux partis ont mobilisé un million de volontaires, chiffre record.
Les démocrates ont téléphoné à 23 millions de foyers, frappé à 8
millions de portes. Les répblicains disent avoir touché 18 millions de
personnes.

4) Justice ; le doute de l’opinion

Alors que revient l’affaire des disparues de l’Yonne, et peu après
l’affaire d’Outreau, nombre de papiers sur l’incurie judiciaire ; à
signaler surtout un sondage CSA montrant que 57 % des Français « ont
peur » de leur justice !

5)Culture et engagement

Plusieurs dossiers sur le cinéma documentaire, à l’occasion de sorties
importantes et du « Mois du documentaire ». On souligne « un retour en
masse aux films engagés, après des années de règne des thèmes liés à
l’intimité et à l’identité » et « la vitalité d’un cinéma du réel de
plus en plus utilisé comme un outil politique ». (Cf Le Monde, 3/11, p 26)
Sur l’exclusion culturelle, noter l’initiative du Secours populaire pour
que les Français accèdent à la culture : description des exclusions à
l’œuvre et des suggestions in Les Echos, 2/11.
Sur Europe et culture, la critique de la Constitution Giscard par Attali
(L’Express, 28/10) car elle porte atteinte à « l’identité culturelle de
l’Union ».
Et papier du Figaro Economie du 26/10 indiquant que la Commission de
Bruxelles s’apprête à repartir en guerre contre l’exception culturelle.

6)Intégration, démocratisation

Deux ouvrages intéressants du sociologue progressiste Stéphane Beaud : « 
Pays de malheur ! » , La Découverte, sur l’échec de l’intégration par
l’école d’un enfant des cités, fils de marocain ; et « 80% au bac…et
après ? » Les enfants de la démocratisation scolaire », La Découverte.

7)Evangélisation

Grosse opération promotionnelle à l’occasion de la Toussaint de l’Eglise
catholique, baptisée « cathopride » (?), pour tenter de donner un aspect
festif, populaire, médiatisé à leurs efforts de re-évangelisation.
Initiatives médiatiques, sortie de livres (« Je crois, moi non plus »,
Di Falco/Beigbeder), débats avec des personnalités, etc…
Le chroniqueur ultra Rioufol dans Le Figaro du 29/10 parle de « réveil
d’une identité chretienne ».
J. Julliard in Le Nouvel Obs fait son édito sur « la renaissance du
sentiment religieux ».

8)Mondialisation et classes sociales

Papier d’Alain Cotta sur « la fin de la classe moyenne » (Figaro, 2/11).
« La mondialisation porte en elle la reconstitution d’un système social
comprenant plusieurs classes », avec une « nouvelle bourgeoisie » liée
aux services, un « nouveau prolétariat » et une classe moyenne, « 
réduite en nombre » et qui voit « son influence politique décroître ».
Sur la nouvelle configuration des classes, cf Negri dans Politis du
28/10 et son « concept de multitude (qui) reste un concept de classe
même s’il est beaucoup plus étendu que le concept de classe ouvrière ».
Dans le même article il salue le rôle de Foucault pour sa relecture de Marx.

9)Les R.G. et l’état de l’opinion

Les 3850 fonctionnaires des RG viennent de se voir assigner par le
ministère de l’Intérieur la tache de suivre l’état de l’opinion en
rédigeant chaque trimestre une note (opération MERCURE, Méthode
d’évaluation et de recherche concourrant à une réaction de l’Etat).
Cette note doit répondre à cinq indicateurs thématiques : manifestations
de voie publique, principaux modes d’expression (réunions, pétitions,
affiches), associations, éditoriaux de la presse de province, courrier
des lecteurs ; et sept indicateurs d’ambiance : participation aux manifs,
expression du mécontentement, climat des voyages officiels, actions
contre les élus, réactions collectives contre l’insécurité, comportement
de consommation, bilan des élections partielles.

10)Partis

2007 : voir ce que Pierre Martin écrit sur les stratégies à gauche pour
2007 dans son article sur « les élections européennes de 2004 » in
Commentaire du 28/10 (revue de presse hebdo)

PS : Baumel, le rapporteur lors du colloque de fin octobre du PS sur le
projet socialiste, est celui-là même qui présentait favorablement, il y
a six mois, dans la Revue Jean Jaures, l’ouvrage de la philosophe
libérale Mme Canto-Sperber, écrivant : « Le libéralisme n’est pas
l’ennemi du socialisme ».

Mouvement social : papier de Mathieu Lilian in Textuel, 28/10 (cf revue
de presse hebdo) sur engagement et mouvements sociaux.

Mouvement des idées
Note n°92 (18/11/04)

1)Valeurs et crise des valeurs

L’élection américaine aurait sanctionné la victoires des valeurs : ce
thème est décliné à l’infini depuis deux ou trois semaines. On voit
comment le thème se profile aussi « à la française ». Cette récupération
par la droite du concept de valeurs, masquant le plus souvent en fait
des notions telles que sectarisme, repli, intolérance, agressivité,
peur, est habile ; elle traduit aussi la crise des valeurs progressistes(
générosité, ouverture, coopération, solidarité, protection).
Une étude du centre de recherche sur la philanthropie a quantifié la
valeur de générosité : si les Français donnent de plus en plus, les plus
modestes sont les plus généreux (=dons correspondant à 1% de leurs
revenus imposables), les riches versant le moins ( 0,5% du revenu) !

2)1968, suite

La repentance amorcée par le PS sur 1968 suscite un débat qui est sans
doute appelé à se développer. On versera au dossier deux éléments. Un
édito très vif d’Edwy Plenel dans Le Monde Hebdo intitulé « En défense
de Mai 68 » : beau texte, forte argumentation, rappel de l’entreprise « 
révisionniste » lancée par Luc Ferry il y a vingt ans (La Pensée 68,
Gallimard, 1985) et cette phrase : « On ne s’étonnera pas que, dans nos
temps apeurés, mai 68 serve de fantôme à ceux qui font commerce de nos
inquiétudes ».
Mais une certaine tendance aussi dans la presse à ramener 68 à une sorte
de phénomène « bobo » ; facile dans ce cadre d’opposer une « élite
décadente » et « un peuple en mal de valeurs » : c’est un peu ce que
fait le dossier « Le grand rejet de l’idéologie 68 » de Marianne du 13/11.
Voir aussi la page mémoire du Monde du 9/11.
1968 est également très présent dans la littérature : cette seule année
on retrouve ce thème dans les livres de Dubois (prix Femina), Rondeau,
Joffrin (C’était nous) et Lambron. Après « Tigre en papier « de O. Rollin.
L’émission « Culture et dépendance » de FO Giesbert le 17/11 consacré à
1968.

3)Révolution conservatrice à la française ?

Lu dans Le Figaro du 12/11 sous la plume du rédacteur Ivan Rioufol : « 
Il est moins honteux d’être populiste que démagogue, si le populisme
consiste à comprendre la société dans ce qu’elle a de plus enfoui.
Nombreux sont les Français qui prennent conscience des limites de la
société des plaisirs, des désirs et des loisirs qui a dévalorisé le
travail, ignoré la religion, évacué les héritages. Une révolution
conservatrice à la française, sachant éviter le piège des extrémismes,
est dans l’air. Qui saura la mener à son terme ? »

4)Le communisme et ses « séquelles »

Long papier de Jean Birnbaum, dans Le Monde/Livres, sur les écrivains
communistes des années cinquante (5/11). Non seulement une critique très
unilatérale du « Kanapa » de Boujut (manifestement le critique n’a pas
lu le livre) mais aussi une descente de l’ouvrage de Michel Surya, « La
révolution rêvée. Pour une histoire des intellectuels et des œuvres
révolutionnaires.1944/1956 » chez Fayard. Surya pourtant n’a jamais été
tendre avec les communistes mais, au yeux du Monde, il a le tort
d’écrire que « jusqu’au milieu des années 50, il n’y avait pas
d’alternative (pour un romancier engagé que d’adhérer au PCF) et il
n’était guère possible de se dire révolutionnaire sans être stalinien.
 ». Propos pénible pour Le monde qui commente sur ce ton : « Ce faisant,
Surya risque à son tour de venir consacrer un demi siècle plus tard
l’hégémonie idéologique qui fut naguère celle du PCF et dont les
séquelles sont encore aisément décelables aujourd’hui » !
C’est ce qui s’appelle avoir la mémoire longue et la rancune tenace mais
c’est aussi une reconnaissance d’une singularité française.
Toujours sur le communisme, lire le papier de Vaclav Havel, « Ce que le
communisme peut encore nous apprendre » in Figaro du 16/11. Quinze ans
après la « révolution de velours », il brosse un tableau âpre de
l’actuelle crise de la démocratie : dépolitisation, perte d’espoir
d’influencer la politique, sentiment d’inutilité de l’engagement,
démocratie réduite au rituel, politique comprise comme simple
technologie du pouvoir, croyance à la « main invisible » du marché qui
aurait remplacé les « lois historiques » du régime communiste, etc, etc.

5)Sécurité et Justice

Forte relance de la rhétorique sécuritaire par Chirac.
Cette question a occupé une large place dans la campagne électorale
américaine.
Le mot de « sécurité » est très abondamment utilisé par Hollande.
Dans le même temps où des sondages à répétition ( voir encore le dernier
sondage Sofres/TNS/Figaro Magazine) disent la défiance croissante de
l’opinion à l’égard de leur justice, le pouvoir ne veut retenir que la « 
demande de fermeté »
70% des Français en effet pensent que la justice fonctionne mal ; la
moitié estime que les choses empirent ; en même temps « jeunes, femmes et
catégories modestes sont les plus demandeurs de fermeté ».

6)Mafias en hyperactivité

L’omniprésence de la lutte contre le « terrorisme » a quasiment fait
disparaître les enjeux du crime organisé à l’échelle planétaire. Papier
de deux criminologues dans Le Figaro du 9/11 qui donne des chiffres
sidérants sur les trafics d’êtres humains, de stupéfiants, d’armes.
Dossier, soulignent les auteurs, qui concernent –et accusent- au premier
chef les Etats Unis.

7)Médias : recul démocratique

Autre enseignement de la campagne électorale américaine : l’alignement
des médias sur le pouvoir, le recul du sens critique, leur
holliwoodisation. A voir l’article du Monde 6/11 sur le documentaire de
l’américain Danny Schechter, « Armes de tromperie massive ».

8) Pub, com et politiques

Enquête Ipsos auprès des « leaders d’opinion » dont parle Le Figaro du
13/11. Plus particulièrement sur « les politiques » et la pub (et les
anti-pubs). « Les politiques rejettent les anti-pubs mais de l’autre ils
leur emboîtent le pas pour mieux s’approprier les sujets et les
questions soulevés par ces mouvements. Il en va de même avec les
alter-mondialistes ». Pour les politiques, la pub serait attaquée « pour
ce qu’elle représente, la société de consommation ou la mondialisation,
plutôt que ce qu’elle met en scène, sa forme et sa représentation ».
Si « les politiques » ont une idée nuancée sur la pub, en revanche ils
ont « une très piètre image des professionnels de la communication ».

9)Exception française (suite)

Campagne récurrente contre « l’exception française ». A noter que la
campagne des partisans du OUI au PS utilise très volontiers ( DSK en
particulier) ce thème du nécessaire (et progressiste) alignement sur un
modèle européen. On retiendra un exemple peu connu de l’exception
française : à l’occasion des journées annuelles d’Ethique, Didier
Sicard, président du comité d’éthique, estime (Le Figaro, 16/11) que « 
la commercialisation du corps humain est un phénomène de société
irréversible », que « sur la question, la France est leader en matière
éthique mais elle est très minoritaire. Elle est presque le seul pays au
monde à revendiquer deux principes, l’indisponibilité et l’inviolabilité
du corps.(…) Le paradigme en France de la non-commercialisation, c’est
le don du sang. Depuis 60 ans c’est même un des fondements éthiques de
la médecine et de la société. Mais cette vision française du don
bénévole, anonyme est extraordinairement isolée en Europe ». Les autres
paient !

10) Partis

PS : reprenant une idée dans l’air du temps selon laquelle la menace de
délocalisations serait « exagérée », Besson a présenté au BN du PS
(16/11) un rapport montrant que ce thème sert surtout la droite et
l’extrême gauche…Relativise donc le phénomène…mais recommande tout de
même d’en faire « une priorité » pour 2007 ! (à lier aussi à leur
polémique interne sur l’Europe, les positions de Fabius sur la question).

UMP : congrès au Bourget le 28/11 ; installation de Borloo à la
présidence du club « Le nouveau contrat social », du Parti Radical, lors
de son 105è congrès.

FN : a des problèmes financiers ( cf Le Monde, 13/11) ; entend relancer
sa fête Bleu-Blanc-Rouge en 2005 ; au Bourget ?

Medef : plusieurs articles sur la stratégie du Medef ; cf
Figaro-Economie, 10/11, Les Echos du 5/11 ; Le Monde du 11/11, p 10.
Patronat mobilisé : 450 000 chefs d’entreprise ont participé en octobre
à l’élection de leurs chambres de commerce, une hausse de 36% sur le
précédent scrutin.

Sarkozy : cote à la baisse selon un sondage Louis Harris/Libération du
9/11, visiblement son passage à Bercy n’a pas convaincu.
La stratégie Sarkozy bien détaillée dans Les Echos du 8/11.
Se fixe l’objectif de doubler le nombre d’adhérents en un an.
Deux ouvrages sortis sur le personnage, « Le rebelle et le roi » de B.
Gurrey chez Albin Michel et « Sarko star » de M. Darmon au Seuil.

Quelques papiers sur le nouveau positionnement de la droite avec la
venue de Sarkozy à l’UMP et la posture désormais centriste (?) de Raffarin.

De Villepin : portrait au vitriol par A. Duhamel, Libération, 10/11

Gauche de la gauche : dossier de la revue « Contre Temps » du 4/11 avec
articles de S. Rozès et Kouvelakis.

Syndicalisme : dossier de Politis du 4/11

Mouvement des idées
Note n°93 (3/12/04)

1)Droite : activisme sarkozien, état de crise et rapport gauche/droite

Plusieurs études d’opinion sur l’état de la droite, les aspirations de
ses sympathisants, à l’occasion du congrès UMP.
Derrière l’activisme sarkozien et la mise en scène des idées libérales,
on retiendra de ces enquêtes que la droite est en crise. Voir notamment
la longue étude du Figaro Magazine, « Ca bouge à droite » (20/11), un
tableau assez lucide de cette crise, des divisions internes entre les
différentes familles la composant.
GA Slama dit même qu’elle « est coupée en deux » comme jamais et « 
plongée dans la plus totale confusion ». Voir la différence qu’il
établit entre droite républicaine et droite démocrate.
En même temps, on observera le dernier baromètre Sofres/Figaro Magazine ;
de manière générale, les hommes et les partis de droite sont à la
hausse ; les hommes et partis de gauche sont à la baisse…

2)Libéraux de droite : nouvelle résistance ?

Par une étrange inversion des rôles, une partie de la droite en appelle
à une « nouvelle résistance » contre « l’ endormissement des esprits »,
les « idées reçues » ; ce courant prône « indocilité », « l’ insoumission
 » contre la « pensée unique » et « l’héritage 1968 ».
Il y a une récupération droitière de la rhétorique progressiste par une
frange ultralibérale qui pousse à l’ accélération des réformes. Ce
courant accompagne et encourage la ligne Sarkozy. Il joue le bon sens
populaire contre l’arrogance de l’élite, il critique les médias aux
mains des « libéraux » au sens américain du terme, il trouve dans les
élections américaines un encouragement.
On notera que Le Pen a changé de fusil d’épaule sur Bush et se félicite
de la victoire des républicains ; il avait en son temps été invité par un
cercle de femmes républicaines.
A noter l’agressivité du nouveau patron du Figaro, S. Dassault, très
branché sur la ligne Medf-Sarkozy ; lire son entretien sidérant à RTL
lundi 29 matin sur le thème : il est temps de sortir de l’ère socialiste…

3)Classes sociales et géographie urbaine

A la demande de l’association de maires de grandes villes (Bockel), une
étude de R. Escalle sur les inégalités sociales dans les grandes villes.
Une sorte de redistribution du territoire avec de très grandes villes où
les inégalités s’accroissent, se polarisent, avec un face à face des
plus pauvres et des plus riches ; et des villes « moyennes » (moins de
100 000) réinvestis par les classes moyennes et où, globalement les
revenus sont plus élevés. Voir Le Monde du 17/11, p 15.
Ce thème des discriminations géographiques est aussi travaillé par
l’Observatoire national des 751 zones urbaines sensibles (ZUS) (Les
Echos, 18/11) sur pauvreté et banlieue.
Sur l’enfermement des classes sur elles-mêmes, voir « Quand la France se
ghetoïse » , toujours dans Les Echos du 18/11.

4)Portrait social

L’INSEE sort son « portrait social 2003 » de la France. Deux très
mauvais indices : quasi stagnation du pouvoir d’achat (0,3)et
destruction d’emplois.
Le rapport s’intéresse aussi aux choix des nouveaux bacheliers, à
l’efficacité des stages de formation, à l’emploi salarié. Cf Figaro
Economie, 18/11, p IV
Ce journal tire d’abord de ce rapport l’idée que « les réformes oublient
les classes moyennes » et profitent aux plus riches et aux plus pauvres ;
il chiffre l’effort de redistribution avec ces chiffres : « si l’on ne
tient compte que des revenus, le niveau de vie moyen des 20% des plus
aisés vaut 7,3 fois celui des 20% les plus modestes. Après prélèvements
et prestations sociales, ce rapport s’établit à 3,8 ».
Cf aussi sur ce « portrait social » Le Monde du 19/./
Dans le même ordre d’idées, voir une rafale d’enquête, ce 1^er décembre,
sur le moral des ménages et le moral des industriels, tous en berne.

5)Démobilisation sociale

A retenir dans le dernier baromètres Figaro Magazine/Sofres l’attitude
des Français à l’égard des mouvements sociaux. Tout se passe comme si,
après les mouvements sur la retraite puis la Sécu, il y avait un
affaissement net de l’attente (espoir ou crainte) de cette mobilisation.
Régulièrement interrogés sur la possible émergence de grèves, mouvements
revendicatifs, etc…les sondés, depuis le printemps, croient de moins en
moins, au fil des mois, à une réaction ; la dégringolade, régulière, est
de près de 20 points au total en six mois.

6)Islam, islamisme, populisme : caricature de débat

Surenchère de caricatures dans le débat sur islam, islamisme, intégrisme.
Rebondissant sur les événements de Hollande, ou la « lapidation » à
Marseille, ou encore l’ambiance actuelle en Corse ou dans les stades, on
trouve des propos provocateurs dans la presse ( exemple : Rioufol dans
Le Figaro).
Des livres outranciers également, comme le nouvel ouvrage de l’italienne
Fallaci, ou le dernier « Interallié » attribué à Florian Zeller pour « 
La fascination du pire ».
Archétype du (jeune) bobo, ce Zeller, de retour d’un week-end en Egypte,
brosse un récit sur le thème : on ne trouve plus de prostituées au
Caire, alors qu’au temps de Flaubert… Le voici primé et présenté dans de
nombreux commentaires comme le pourfendeur du « fascisme » oriental…
Dans le même temps, campagne massive contre tout ce qui contredit cette
pensée unique. Le cas Ramadan, le sulfureux, continue d’alimenter la
polémique.
Il est violemment pris à partie dans des travaux eux mêmes outranciers :
le film de Sifaoui sur Ramadan (France2) est très contesté ; il a
d’ailleurs été déprogrammé de la télé suisse pour manque d’objectivité.
Et quand l’Huma parle du livre de Fourest contre Ramadan, le journal
doit ajouter un long Nota Bene de la rédaction pour regretter les excès
du réquisitoire de Fourest !
Pour sa part, Alain Gresh, responsable du Monde diplo, co auteur avec
Ramadan d’un livre, persiste à penser que ce dernier incarne un courant
pouvant être gagné aux idées progressistes (?).
A lire dans « Mouvements » du 1^er novembre une étude de François Burgat
sur « la génération Al Qaeda » où il relativise le référent islamique
dans l’engagement violent de cette nouvelle génération.

7)Médias et démocratie

Autre thème récurrent du débat public. Le festival d’histoire du cinéma
de Pessac avait choisi cette année pour thème « Médias et démocratie ».
Le débat d’ouverture s’intitulait « Staline ou Murdoch : peut-on
contrôler l’information ? ». Voir programme complet dans Le Monde, 24/11,
p 32.
Voir la rubrique idées de Slama dans Le Figaro du 29/11 sur « les médias
contre la démocratie », rappelant la défiance de l’opinion à l’égard des
médias, et en même temps un certain attachement du public à l’écrit.
A lire la page du Figaro Economie sur la démission de Plenel de la
rédaction du Monde (30/11).

8) Capitalisme héréditaire

Toute une littérature pour glorifier non seulement le capitalisme mais
une de ses formes particulièrement rétrogrades, le capitalisme familial.
Série d’articles il y a peu sur une sorte de reconstitution de l’empire
Schneider.
Sortie simultanée de trois livres sur la sage des De Wendel, long
entretien avec l’héritier Seillière. Sur ce capitalisme qui inspire la
confiance pour son « âme », son côté charnel, identifiable à l’heure de
la mondialisation et d’un certain discrédit des managers…
Sur le patronat de droit divin, voir l’article du Parisien du 29/11
s’inquiétant d’un arrêt de la cour d’appel de Toulouse du 5/11,
réaffirmant en somme que « le patron a toujours raison ».

9) Bréviaire social démocrate

A lire le long papier de Laurent Joffrin consacré au quarantième
anniversaire du Nouvel Observateur (in revue de presse hebdo, 25/11) et
à l’évolution des « valeurs » de cette gauche caviar : un modèle de
rhétorique sociale-démocrate.

10)Partis

UMP : idée souvent répétée dans la presse que Sarkozy a une méthode ( le
volontarisme, la réhabilitation du politique) mais pas de doctrine
économique (?).
Un des points faibles de l’image de Sarkozy : son titre de maire de
Neuilly, ses amitiés avec l’élite patronale. Déjà le bourbonien Balladur
avait chuté sur ce « look ». D’où l’insistance du nouveau patron de
l’UMP sur le mot de « Populaire », omniprésent au congrès UMP.
Voir le sondage Ipsos/Figaro sur l’attente des sympathisants UMP à
l’égard de Sarkozy. (Figaro 26 novembre).

UDF : reluque du côté de Hollande, cf Libération, 25/11

2007 : la Sofres sonde sur « les présidentiables à gauche en 2007 » et
(n’) interrogent (que) sur DSK, Hollande et Fabius ! (Nouvel Obs)

Opération « Voter Y » : présentation dans Les Inrockuptibles, 25/11

Napoléon : grosse mise en scène dans la presse de droite pour le bi
centenaire du sacre ; un sujet vendeur mais aussi une des références
identitaires de la droite.

Mouvement des idées
Note n°94 (9/12/04)

1)Discours de Sarkozy au congrès UMP

Allocution de clôture de près d’une heure de Sarkozy ; disponible sur
_www.u-m-p.org <http://www.u-m-p.org/> _
Se présente comme un discours d’opposant, parlant de « changer », de « 
changement », de « renouvellement », de « rajeunissement », « 
d’alternative crédible ». Aucune espèce de bilan. Aucune vraie évocation
du gouvernement, encore moins de Chirac !
Un éloge appuyé, en début et fin de discours, à la politique, à la
bataille politique, au refus de la fatalité, du renoncement.
Un mini développement sur l’Est européen, « le communisme le plus brutal
et le marxisme le plus déshumanisé », « 50 années de cauchemar », « le
mur de la honte » ; hommage à Walesa, Havel, J. Paul 2.
Allusion brève à la constitution européenne, à l’opposition à la Turquie.
Reprend fort la problématique désormais classique : la droite, c’est le
mouvement ; la gauche, c’est le statu quo, l’immobilisme.
Fustige la « pensée unique socialiste » ou « la pensée unique de gauche ».
Thèmes (et mots) martelés de bout en bout : promotion sociale, risque,
réussite sociale, mérite, effort, réussir, ambition, modèle de réussite.
En opposition à : nivellement, assistanat, égalitarisme.
Sarkozy pense que ces mots sont capables d’unifier sa base Rpr,
libérale, centriste. Il compense ses sorties les plus conservatrices par
des concepts comme « tolérance » (souvent repris).
En même temps ont voit bien les mots qui manquent, qui font problème :
libéralisme, Usa, atlantisme, Irak, rôle de la France…
Presque rien sur la sécurité : il pense avoir assez donné ou il doute de
son bilan ?

Trois grands chapitres : la France, l’école, le travail.

La France et ses valeurs : au passage, égalité est remplacé par équité ;
ode aux « valeurs oubliées par habitude, par démission, par faiblesse,
que nous allons incarner, leur donner une nouvelle force ».
Une priorité : « la France qui travaille », évocation implicite des
classes moyennes.

L’école ; on caresse les enseignants, on fait dans la nostalgie : « Il
n’y a pas si longtemps, on évoquait avec respect le nom de son « 
maître » ; aujourd’hui le mot même n’est plus utilisé » ; contre le
laxisme, pour des règles, la discipline, le travail, l’effort ; pour la
formation tout au long de la vie ;

« Réhabiliter le travail » : mérite, réussite, performance, récompense,
initiative ( « l’objectif de la France ce n’est pas le partage des
richesses ») ; plus de travail, moins de règles (« on n’a pas à s’excuser
d’avoir un patrimoine ») ;

Il termine par un couplet sur l’UMP, l’hommage aux militants, (« je
m’engage à recevoir chaque mois les nouveaux adhérents qui viendront à
Paris » ; se rapprocher du peuple (« reconnaissons qu’il nous est arrivé
de nous en éloigner ») ; s’engage à passer trois jours par mois en province.
A réserver un tiers des places aux nouveaux adhérents.

Des formules sécuritaires, louchant vers l’extrême droite : « Si nos
lois ne plaisent pas, nul n’est obligé de les subir en demeurant en
France » ou « Je ne veux pas d’argent de l’étranger pour financer nos
lieux de culte » ou « je ne veux plus d’imams qui ne parlent pas un mot
de français ».
Un discours qui réhabilite tous les poncifs réactionnaires mais qui a un
problème de cohérence : il tente de faire « populaire » (ce mot était
omniprésent dans la décoration du congrès) mais le jargon
technocratique, un peu HEC, semble ne s’adresser vraiment qu’aux
gagneurs, aux managers.

2)L’obsession du déclin ?

La version 2005 de l ‘annuaire « Francoscopie » de Gérard Mermet chez
Larousse reprend complètement ce thème. Les termes utilisés pour
qualifier la France et les Français d’aujourd’hui sont d’une belle
noirceur : fatigués, mal dans leur peau, las, découragés, peur,
pessimisme, décadence, grogne, mauvaise passe, grosse fatigue, image
dégradée.
Interrogés sur le mot qui qualifie le mieux la société, 40% des Français
optent pour « déclin », 32 pour progrès, 28 pour immobilisme.
« Justifié ou non, ce sentiment partagé d’un déclin de la France ne peut
être ignoré par aucun des acteurs d’une société que l’on peut qualifier
de mécontemporaine » écrit Mermet.
A lire cette synthèse ( larges extraits dans la Revue de presse du
2/12), on retrouve l’effet de campagnes (de droite) martelant par
exemple l’idée (discutable) d’une chute de la compétitivité française ;
la question du communautarisme ; la peur de l’Europe.
On qualifie aussi volontiers de « déprime » ce qui n’est que résistance
aux « réformes libérales » et attente –insatisfaite- d’alternative crédible.
On remarquera que le discours de Sarkozy évoque à plusieurs reprises ce
thème du « déclin » et de « la décadence ». Il prend ses distances avec
ce thème pourtant né à droite et en même temps il s’en sert pour « 
booster » ses « réformes ».

3)PS : et maintenant Bad Godesberg ?

Dans un saisissant raccourci, de nombreux commentateurs interprètent le
vote des militants PS comme un encouragement à hâter l’alignement
idéologique, toujours repoussé, du PS sur la famille sociale-démocrate
européenne, en clair la reconnaissance de l’incontournable, de
l’indépassable marché, l’alliance avec le libéralisme ; c’est la ligne
explicite de DSK. Voir Gattegno dans Le Monde (3/12), Zemmour dans Le
Figaro (3/12), le sociologue Michel Wieviorka (Figaro du 3, p 13) ou
encore le directeur de la revue Le banquet, , Nicolas Tenzer, qui, dans
le Figaro du 3/12. appelle le PS à se « focaliser sur la gauche du
possible . Concrètement, le libéralisme doit cesser d’y être un mot tabou ».
Ou encore JC Maurice in l’édito du JDD : « (Jusqu’à ce vote), le PS
n’avait pas clairement assumé ce tournant (de 1983), reconnaissant quoi
qu’on en dise la loi du marché ».

4)Le catéchisme de Lang, Aubry, DSK

Le trio en charge du « projet socialiste 2007 » a publié dans le Monde
du 5/12, le texte « Du courage pour faire gagner la gauche ». (Notons
cet usage retrouvé du mot « courage »).
Au delà de l’enjeu européen, il résume la politique socialiste en
emboîtant tous les mots clés : réformes,croissance,solidarité,
protection, éducation, inégalités,diversité…mais en omettant des notions
essentielles comme libéralisme ou capitalisme ou en euphémisant la crise
sociale.
Il estime que « la bataille avec la droite se fera d’abord sur les
valeurs » et les leurs s’appellent : égalité, démocratie,
internationalisme et humanisme.
Il évoque « les instruments d’action » : redistribution, socialisation,
rénovation.
On notera un accent fort mis sur « la réforme des pratiques politiques »
et notamment l’ouverture du parti (socialiste) à ses sympathisants pour
garantir une forte capacité de mobilisation.

5)Les Français et la politique

Longue enquête Sofres/ Figaro magazine sur le thème « La politique
est-elle un métier ? ». Ce sondage accompagnait les entretiens de
Royaumont du groupe d’études sur la modernisation de la vie politique de
l’UMP J. Chartier (PV in Le Figaro du 6/12).
Le sondage montre l’intérêt limité de l’opinion pour la politique : 57%
pas ou peu intéressé. Une question à prendre avec prudence, on le sait.
Sur la même question, le comparatif des réponses ces trente dernières
années montre un intérêt avoué et à la hausse à la fin des années
soixante dix et globalement maintenu durant la décennie 80, puis un
affaissement vers 1995, qui semble perdurer.
Notons encore que c’est l’électorat PCF qui se montre le plus intéressé
à la politique.
Honorabilité du politique : une chute ces derniers temps.
56% - le même chiffre que ceux qui se disent non intéressés- pensent que
les politiques ne se préoccupent pas de leur vie.
Dans la hiérarchie des gens d’influence, les sondés pensent aujourd’hui
que les patrons ont plus d’influence que les politiques ( le résultat
était inverse il y a sept ans).
En même temps, mais le paradoxe n’est qu’apparent, on attend (espère)
des politiques qu’ils exercent plus d’influence à peu près dans tous les
domaines !
90% pensent que la politique est devenu un métier ; 60% le regrettent.

6) Cadres : la grosse déprime

Le Figaro Entreprise livre chaque mois une enquête d’opinion sur l’état
d’esprit des cadres. Le résultat est sans appel : ces salariés
angoissent. L’article est dur (6/12) : attente vaine de la croissance,
plus d’illusions, perte des repères, déception, résignation, pessimisme,
« ils n’y croient plus ». Tirant le bilan de l’année 2004 pour les
cadres, le directeur des études politiques de L. Harris parle de « 
dynamique brisée et d’espoir déçue après une reprise attendue et jamais
venue ».

7) Europe : Charlie Hebdo divisé

On signalera l’incongruité de la position du patron de Charlie Hebdo sur
le référendum européen. Pour, radicalement pour, inconditionnellement
pour. Voir l’édito de Philippe Val dans le numéro du 24/11. Avec un
semblant d’argumentaire de « gauche » : cette Europe va booster le
progrès social, défendre les services publics, instaurer la démocratie
participative, garantir les libertés syndicales, agacer le Vatican, etc…
Violente charge contre ce droitier de Fabius.
Mais Val ne fait pas l’unanimité à la rédaction, il y est même souvent
cordialement détesté ; voir la chronique intérieure de Siné dans le
numéro du 8/12, radicalement pour le NON.

8)Etat de l’islam français

Une enquête des RG dévoilée par le Figaro du 8/12 donne une photographie
« nouvelle » de l’islam de France.
Pratiquants peu nombreux, comme pour les autres religions : 5 à 10% des
cinq millions de personnes concernées.
La moitié des lieux de culte sont indépendants des fédérations membres
du CFCM et sont de tendance modérée.
L’UOIF (13% des lieux de culte) est stable depuis 2000.
La mosquée de Paris se maintient (14%).
La FNMF (Maroc) progresse.
Les salafistes (ultras) tiennent 42 lieux et rassemblent 6000 fidèles.

9)Rapport de forces

Une pleine page du Figaro (7/12) sur le bilan 2004 des élections
partielles ; recul de la droite ; commentaires de S. Rozes sur l’absence « 
d’alternative crédible » à gauche.
Pas d’évocation des récents scores communistes. Toutefois le même
journal, trois jours plus tôt (3/12) évoquait la mort prochaine du PC
mais, prudent, il attirait en même temps l’attention sur la partielle
des Yvelines.

10)Partis

Militants : c’est fou le nombre d’articles consacrés à la gloire des
militants et de « la base », ceux de l’UMP (pour l’élection de Sarkozy),
du PS (pour le référendum). Un thème qui montre en tout cas le poids
(retrouvé ?) des partis et du militantisme pour gagner les batailles
politiques. PS et UMP se fixeraient l’objectif de doubler le nombre de
leurs adhérents.

UMP : convention nationale en janvier sur la définition d’ « une
politique sociale de droite » ; en février ou mars, seconde convention
sur « le rythme et le contenu des réformes ».

PS : Un électorat divisé. En effet, selon un sondage BVA/ Libération,
43% des « électeurs potentiels du PS » jugent son positionnement correct
contre 42% qui le jugent « pas assez à gauche » et 8% « trop à gauche »
(6/12).

Verts : l’Huma a montré, qu’au delà des manœuvres tactiques, leur
congrès aurait été marqué par une avancée de l’orientation de gauche et
d’autonomie.

LO : leur congrès s’est prononcé pour le NON.

*Mouvement des idées*
*Note n°95 (16/12/04)*

Spécial livre de Sarkozy :
« La République, les religions, l’espérance »

Ce livre d’entretiens avec deux religieux, publié aux éditions
catholiques du Cerf, s’articule en six chapitres : le fait religieux et
la laïcité ; l’islam et la République ; la loi de 1905 obsolète ? ; les
sectes ; les églises et l’Europe ; la religion et l’éducation.
Il a été très largement médiatisé.
La préface est datée (annonce de l’enlèvement des deux journalistes en
Irak) ; elle est à la gloire du Cfcm et de l’Uoif. Le ministre rappelle
sa conviction : la misère humaine pose la question de l’espérance et du
sens de l’existence, donc de la religion.

1. Le fait religieux et la laïcité

Dans ce chapitre, N.S. avance sa conception de la foi, conservatrice ;
peu d’altruisme ici mais un acte intime aux accents parfois mystiques.
Un ton disons proche d’un de Villiers mais sans la ringardise du chouan.
Il explique dans le même temps que la religion aide à la stabilité
sociale. Paradoxalement, cet activiste politique dit ici implicitement
qu’il ne croit guère au politique, encore moins au social, mais qu’il
attend beaucoup du religieux.
Avec une obsession : la stabilité des banlieues.
Extraits :
D’emblée, Sarkozy déclare que l’on a surestimé la sociologie et
sous-estimé très largement le fait religieux.
« La question sociale n’est pas aussi consubstantielle à l’existence de
l’humain que la question spirituelle ».
Il opère une nette distinction : « aux religions, le spirituel, à la
république, le temporel ».
Il a de la laïcité une conception « positive » qui est en fait « la
garantie de vivre sa foi » ! Un autre moment, il dit que la laïcité
permet de « mieux faire connaître le phénomène religieux »…
Sarkozy instrumentalise, institutionnalise la religion :
« Il est préférable que des jeunes puissent espérer spirituellement
plutôt que d’avoir dans la tête violence, drogue ou argent ».
Il y a crise des églises mais pas crise de la foi ; il cite les grands
rassemblements religieux récents, dont les « 12 heures pour Israël ».
Il évoque à maintes reprises le mot de « communauté » avec, sans le dire
implicitement, une certaine complaisance.
Il a le sens des formules : « la France est devenue multicuturelle,
multiethnique, multireligieuse…et on ne le lui a pas dit »
Il salue le rôle du pape dans la chute des pays de l’Est.
S’il reconnaît la fonction de compassion de l’église (« si l’église de
France n’a pas le souci des plus pauvres, qui l’aura ? »), il accepte
mal les positions citoyennes de gens du clergé et rappelle sa polémique
avec trois évêques qui critiquaient sa politique du droit d’asile.
Il évoque la question des expulsions d’église ( il ne faut jamais
laisser durer ce genre de situation, dit-il) ; il a des formules du genre :
« mon engagement politique très jeune comme militant ne m’a guère donné
l’occasion de rencontrer beaucoup de figures spirituelles qui auraient
pu durablement me marquer »( ?).
Il compare son engagement politique à une « vocation, un appel ». Il
distingue la notion de « fondamentalisme », positive à ses yeux ( il
redit cela à plusieurs moments du livre) et celle d’« intégrisme » qui
est un extrémisme.
« L’absolu », pour soi, n’est pas un danger ; projeté sur l’autre, il le
devient.
Il faut « laisser les religions prospérer et s’organiser ». Complaisant,
il ajoute : « je peux admettre la nécessité pour certains croyants de
manifestations exacerbées, l’espérance individuelle a besoin de se
nourrir aussi de la mise en scène »
et
« la religion est en elle même porteuse d’absolu, peut-on croire de
façon modérée ? »
Pour se dépasser, il y a bien le sport, la politique mais la religion
fait mieux, c’est « le premier domaine qui se vit absolument » .
Il fait l’éloge des « contemplatifs » (!).
Accepterait que son fils soit « moine » ; trouve utile la vie des saints…
Il revient sur Jean Paul 2 (qu’il citera au congrès de l’UMP), sur ses
positions morales :
« Le pape a certainement détourné des personnes de la religion
catholique du fait de ses positions sur quelques questions morales. Je
sais aussi qu’il en a convaincu beaucoup d’autres en proposant des
repères rigoureux et intangibles »
et
« j’apprécie la fidélité de l’église catholique à ses traditions et à
son enseignement »
et
« j’évite de porter un jugement ».
C’est ce qu’il appelle la « tolérance ».
A plusieurs reprises, il regrette la tiédeur de l’église catholique, la
pauvreté des « homélies ». « Une religion frileuse n’attire pas », dit-il.

2.
L’Islam et la République

Un chapitre étonnant où tout à la fois il a une rhétorique très « 
généreuse » pour les Français musulmans (le double langage est patent si
l’on pense à sa posture sur la Turquie), une manière d’englober les « 
cinq millions » ( ?) de gens concernés dans une même communauté (il n’y
a pourtant pas là plus de croyant-pratiquant que dans les autres
religions, entre 5 et 10%), une façon de considérer que les trois
fédérations du CFCM regroupe toutes les mosquées ( 50% en fait). Et
surtout une complaisance systématique envers la branche la plus dure,
l’UOIF.
Il développe en fait ici son argumentaire précédent : son problème est
la banlieue et le calme des banlieues passe par la religion.
Extraits :
Sa thèse : « il est aussi important d’ouvrir des lieux de culte dans les
grandes zones urbaines que d’inaugurer des salles de sport ».
Long plaidoyer sur la création du Cfcm ; il se défend d’avoir donné une
trop belle place à l’Uoif.
La laïcité signifie que l’Etat ne « peut pas rester indifférent au fait
religieux ».
Il dit ne pas vouloir identifier islam et musulman, Cfcm et parlement
des musulmans français, redisant qu’il n’est question ici de « culte » ;
il oublie cependant de dire que 90% des musulmans français ne
fréquentent jamais un lieu de culte.
Il définit la « communauté » musulmane, forte de « cinq millions » de
personnes : gens d’« extraction modeste » et « d’origine émigrée » ;
exemple : le président de la mosquée de Mantes est un O.P. marocain de
Renault.

Il se veut l’avocat des musulmans de la république, évoque son échange
avec Ramadan (p 79), estime que « la colonisation n’a pas été seulement
une page noire », se montre très aimable avec l’Uoif (p83), une
structure qui « mène un travail utile », contre les vrais durs, les « 
salafistes » notamment.
Les gens ont le droit de « vivre leur religion avec une certaine rigueur
 », dit-il ; ou : « lorsqu’un radical est intégré dans une structure
officielle, il perd de sa radicalisation car il devient partie prenante
du dialogue »
Il prend une nouvelle fois (p87) la défense du fondamentalisme : « quoi
de plus normal que de croire fondamentalement ? ».
Il estime que la laïcité doit changer, évoluer.
Il regrette qu’en France existe une « méfiance à l’endroit de la
religion », salue à nouveau Jean Paul deux pour le « retournement
d’image » qu’il a pu opérer dans l’opinion ; se plaint encore d’un fond
anticlérical qui fonctionne dans le pays, lequel a vite fait de « fondre
avec une forme de racisme antimusulman ».
1968 a marqué aussi une révolte contre l’Eglise.
Il dit le plaisir pris à côtoyer le président du CRCM de Paca, présenté
pourtant comme un « intégriste ».
Il dit refuser les amalgames, évoque la situation faite aux femmes,
parle de traitement injuste des musulmans en France.
Long échange sur le voile. On se rappelle que Sarkozy n’était pas en
faveur d’une loi. Plutôt pour le dialogue. Il estime qu’à l’arrivée la
loi est un bon compromis ( avec Juppé !) et que son application serait
limitée.
Il redit sa position en faveur des discriminations positives. « 
L’essentiel est la question des inégalités », dit-il ; or les choses
vont de plus en plus mal ; il faut donc aider plus les plus démunis.
Sensible à la critique du risque de communautarisme, il semble penser
que la communauté est d’ores et déjà là ( en somme, il faudrait composer
avec).
Sur le financement, il rappelle que la loi permet déjà de financer la « 
périphérie » des cultes ; il se montre prudent mais laisse entendre
qu’il faut aller vers une forme de financement publique.

3.
La loi de 1905, obsolète ?

Dans ce chapitre, N.S. met carrément en cause la loi de 1905. Avec
assez peu de précautions. Il faut que l’Etat reconnaisse et finance les
religions, détaille-t-il.
N.S. laisse le journaliste se pâmer devant la « nouveauté » de sa
position.
Extraits :
Le titre du chapitre donne le ton. La loi de 1905 est une « grande »
loi ; il faut « réfléchir soigneusement » avant de « rompre le compromis
de 1905 ». « Pour autant doit-on considérer ce qui a été rédigé il y a
un siècle comme coulé dabs le marbre et ne devant jamais être changé ? Je
ne le crois pas. On peut faire évoluer le texte ».
Sur la question du financement des religions : il est pour un « 
financement public » ; se désole du faible niveau de vie des curés,
imams, pasteurs ou rabbins.
Une lecture restrictive de la loi, et de la laïcité : pour lui c’est « 
la reconnaissance de la religion comme un élément important et
structurant de la société » et « la liberté de croire comme une des
grandes libertés ».
On finance un stade ou une crèche, pourquoi pas un culte ?!
« Il est temps de poser cette question ».
Il détaille les moyens de financement, direct ou en nature, à mi chemin
entre le système de Concordat d’Alsace-Lorraine et le système allemand.
Pour la formation (prêter des enseignants, mise à disposition de
l’université), les lieux de culte…
Tout cela notamment pour protéger ces religions, l’Islam notamment, « 
d’influences étrangères ».
Faudrait mieux rétribuer les imams : « comment aider à intégrer dans les
banlieues si l’on est soi même en situation précaire ».
L’interviewer fait remarquer que ce propos est « absolument novateur.
(…) C’est la première fois qu’un homme politique ose proposer ce genre
de coopération entre les religions et l’Etat » ; Et il ajoute : » il ne
s’agit pas de simples ajouts – termes employés par NS- mais bien d’une
modification, d’une transformation car cela suppose que l’Etat
reconnaisse tel ou tel culte ». Il dit encore : « Ce que vous proposez
est un tel changement de l’appréhension du fait religieux par l’Etat
qu’il nécessite une évolution des mentalités dans l’administration, chez
les préfets, les élus, les fonctionnaires ». Ou : « Depuis 1905, vous
avez sans doute été celui des ministres de l’intérieur qui s’est le plus
engagé sur cette thématique ». Le même parle plus loin de « 
républicaniser les religions »
Faut que l’Eglise reprenne pied dans la France profonde, dit NS : « La
France profonde, c’est maintenant la France des banlieues ».
Et il a ce couplet (p 129/130) :
« Quel est le problème de nos banlieues ? C’est qu’elles se sentent
abandonnées, y compris par l’Etat. On y installe des terrains de sport
et c’est très bien. Mais est-ce suffisant pour satisfaire les
aspirations des jeunes, Je ne le pense pas car ces dernières ne relèvent
pas que du domaine temporel. Je pense donc utile que soit créée une
grande mosquée dans celles de nos grandes villes qui en sont dépourvues.
Je vois qu’il manque des églises dans certaines banlieues de la Seine St
Denis, que des communautés juives ou protestantes souffrent de ne pas
avoir assez de synagogues ou de temples ».
Sur des causes religieuses de certaine délinquance : « il n’y a rien à
expliquer et tout à réprimer ».

4. Les sectes

Un couplet pas très méchant pour les sectes « et les mouvements
spirituels nouveaux »
Extraits :
Outre les trois grandes religions, le christianisme, le judaïsme ( NS
parle de « 700 000 » compatriotes juifs ) et l’islam, il y a les sectes.
Difficulté à faire une nette distinction entre religions et sectes. Seul
critère retenu : la longévité, le pérennité !
« Il peut y avoir des aspects sectaires aux confins de nos religions et
à l’inverse un engagement religieux sincère dans l’appartenance à
certains groupes spirituels récents et autonomes »
Refuse le critère d’universalité car il veut « promouvoir une
organisation nationale des cultes »(!).
Refuse de s’engager « sur le terrain moral ». Distingue les groupes « 
qui aident les gens à vivre » et ceux « qui exploitent la faiblesse des
gens ».
Refuse la confusion religions/ sectes et s’élève contre « une
sacralisation extrême de la liberté ».
Il reconnaît la légitimité de certaines sectes intitulées à présent « 
nouvelles religiosités » ; ne souhaite pas cependant leur multiplication
( ne serait-ce que pour des raisons de financement, demain, dit-il…)
mais appelle chaque Eglise à se diversifier, à contrôler ses électrons
libres.
Un couplet sur forme (les rites religieux, les traditions, les habits
rituels auxquels il n’est pas insensible) et fond : « Ne sous estimez
pas les questions de forme. Les juristes le disent à leur manière : la
forme tient le fond en l’état. La forme, c’est important, c’est même
parfois aussi important que le fond ».
Dit ne pas s’inquiéter d’une arrivée de sectes, trouve même qu’on a été
sur la question un peu « sectaire » !

5.
Les Eglises et l’Europe

Opposition déclarée à l’adhésion turque avec un argumentaire qui ruine
en fait beaucoup de son propos consacré aux musulmans plus haut.
Extraits :
Contre le fait de citer Dieu dans la Constitution ; pour l’évocation de
l’héritage religieux dans le préambule ; souligne « l’influence dominante
des valeurs chrétiennes » mais ne veut pas hiérarchiser, exclure
l’Islam, le judaïsme.
Prend position contre l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Raisons géographiques, démocratiques.
A la question : « dans l’identité européenne, le christianisme joue-t-il
un rôle central ? », il répond « l’entrée d’un pays aussi important que
la Turquie sur le plan démographique et en outre de culture musulmane
risque de changer la nature de l’identité commune et de dénaturer le
projet européen ».
Estime que la France n’a rien à redouter de l’Europe pour sa conception
de la laïcité.
A lire ces phrases qui montrent sa conception instrumentalisée de la
religion : « L’Europe centrale et orientale est frappée par une
déchristianisation qui s’explique par la fin de la répression
communiste. Cette répression ajoutée à la désespérance marxiste
entretenait en réaction une espérance spirituelle qui permettait
d’envisager un avenir plus clément. On ne pouvait pas franchir le mur,
donc on essayait de regarder par dessus, vers le haut, vers le ciel ».

6.
La religion et l’éducation

Dans ce chapitre, on retrouve le ton quasi rigoriste du début du livre.
« Je suis de culture catholique, de tradition catholique, de confession
catholique. Même si ma pratique religieuse est épisodique, je me
reconnais comme membre de l’Eglise catholique ».
Eloge de la messe, en famille.
« L’âge me rapproche d’une forme de pratique religieuse ».
« Je ne suis pas un ministre chrétien, je suis un ministre de la
république » (c’est lui pourtant qui souhaite des préfets musulmans)
« le phénomène religieux a été sous-estimé, il est plus important qu’on
ne le croit, il peut être un facteur de paix, d’équilibre,
d’intégration, de rassemblement, de dialogue »
Se dit favorable à l’enseignement de l’histoire des religions mais
sceptique sur l’enseignement du fait religieux comme le souhaite le
rapport Debray. Lequel analyse trop « la contribution de chaque religion
 » ( et marquerait « une remise en cause de la laïcité » !) au lieu « 
d’insister sur les convergences de l’ensemble des messages religieux ».
Le catéchisme ? N.S. rappelle que « le droit à la catéchèse » est
reconnu par la loi de 1882 ( !) ; c’est ce qui justifie « un jour sans
classe » dans la semaine scolaire…
Souligne les « valeurs particulières » de l’éducation religieuse. Et
reprend une opposition entre le temporel, terne, et le religieux, « qui
donne des couleurs à l’existence ».
Ainsi :
« On ne peut pas éduquer les jeunes en s’appuyant exclusivement sur des
valeurs temporelles, matérielles, voire même républicaines » ( !)
ou
« La dimension morale est plus solide lorsqu’elle procède d’une démarche
religieuse plutôt que lorsqu’elle cherche sa source dans le débat
politique ou le modèle républicain »( !)
ou
« Je me méfie des hommes politiques qui se proclament au service d’une
morale »
Le journaliste insiste pour qu’il confirme que « la morale républicaine
ne suffit pas », ce que fait N.S. résumant « la morale républicaine » au
« respect de la loi », point. Alors que dans le religieux, « n’est pas
forcément moral ce qui respecte la loi, on est dans une autre logique »…
Ou encore
« La vie spirituelle constitue généralement le support d’engagements
humains et philosophiques que la République de peut pas offrir, elle qui
ignore le bien ou le mal »
Encore et toujours sa définition tordue de la laïcité : exemple : « la
laïcité, c’est le droit de croire et de pratiquer sa religion de manière
libre, publique et égale pour tous les cultes ».
Ou plus loin
« la laïcité est désormais une chance pour toutes les religions et pour
les non-croyants ».
Sur l’impossibilité de transformer les fêtes de Kippour et de
l’Aït-el-Kébir en jours fériés : « les religions minoritaires doivent
trouver des accommodements avec la religion majoritaire ».

Au total, un petit livre très réactionnaire au sens propre ; il exprime
un projet de société très « policée », police tout court et police des
âmes, le retour au « sabre » et au « goupillon », garants de pouvoir et
d’ordre.
Comme une nostalgie de l’avant 1905( ?) où le goupillon serait tout à
la fois le curé et l’imam ( tous deux de banlieue), le pasteur et le
rabbin.
Avec une conception étriquée du spirituel ramené au seul religieux,
lui-même envisagé dans une pratique conservatrice.
Un discours qui marque une droitisation de la droite ; une conception
fort peu républicaine de la « laïcité » ; il reprend le « rigorisme »
d’un de Villiers sans son côté ringard ; il épouse des bouts de discours
identitaires lepeniens sans la xénophobie.
Un projet difficile à vendre ? En tout cas il n’emporte pas la
conviction des chiraquiens ( loi de 1905 ; UOIF ; discriminations
positives…) ; d’ailleurs N.S. n’en a pas dit un mot dans son
discours-programme du congrès de l’UMP.



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